lundi 20 février 2012

Mon ombre m'a aussi quitté.

L’homme : Je n’ai jamais eu peur de la solitude dans ma vie. Chaque fois que j’étais seul dans la journée, je m’assurais de la présence de mon ombre. je me disais que je ne suis pas seul, et même le soir lorsque je rentrais sous un éclairage venant d’une maison, de la même manière, mon ombre m’était fidèle. Même s’il y avait un brin de lumière, mon ombre m’y suivait. Mais aussi, comme pour tous mes amis et pour tout mon entourage, dans toutes situations et tous les jours de ma vie, mon ombre sans gêne me disait qu’au moment du noir éternel, elle n’aura pas le pouvoir de m’accompagner et qu’elle devra m’abandonner.

 L’ombre : Mais quels sont mes blâmes pour qu’un jour tu ne puisses plus m’abriter de la lumière et qu’ainsi tu me laisses disparaître ? 

 L’homme : Maintenant, Je me souviens de ce jour où avec mesamis nous étions assis dans le jardin de notre maison. Il y avait cette jolie fille élégante. Elle était plus belle que tout ce que tu peux imaginer. Chaque matin, elle s’en allait avant que les oiseaux s’envolent quand tous les gens, à peine sortis de leur sommeil, étaient occupés à faire leur toilette devant leur miroir. Quand le soir, elle revenait, elle avait encore en tête toutes les belles paroles qu’on lui disait à longueur de journée et ces paroles ne se dissipaient que lorsque le sommeil lui fermait les yeux. Elle était très fière de sa vie et de sa jeunesse. 

Mais un beau matin, le miroir n’a pas affiché le reflet habituel. Ce matin-là, l’image reflétée correspondait à celle de ses proches, occupés à la soulever afin de l’emporter pour l’enterrer dans cette terre sur laquelle autrefois elle marchait avec fierté et égoïsme. Après quelques jours, dans une ruelle, ça a été fort étrange de voir traîner une de ses paires de chaussures dans laquelle jadis elle marchait fièrement alors que je le savais désormais sous la terre.

Un autre jour, j’écoutais une chanson à la télévision. Le chanteur, très fier, chantait sa propre vie et la vivacité de sa jeunesse. Ce qui m’a marqué, c’est qu’il était écrit en bas de la télévision « à la mémoire de l’artiste décédé ». Étrange, non ?

Moi, le jour où mon ombre m’a laissé, j’avais vécu vingt anniversaires et je ne réussissais qu’à m’en remémorer une dizaine. Quand je suis mort et que j’en ai pris conscience à regret, j’avais envie de dire à tous les vivants : « hier, moi, j’étais comme vous, et demain, vous serez comme moi ». Mais, hélas, je ne pouvais pas et ma voix ne pouvait pas sortir mais je suis sûr qu’aucune personne n’aurait aimé entendre ce que j’ai à dire et de toute façon personne n’aurait pu se mettre à ma place et comprendre.

Au fil du temps, après quelques années où j’ai été dans le monde des morts, je me suis revu vivant dans ce nouveau monde, alors que je restais distinct de la terre de ma tombe, l’effet d’une pelleteuse qui passait par là a mélangé la poussière de mon corps avec celles des autres personnes qui gisaient aussi dans le terre glaise du cimetière. Ma propre poussière était devenue anodine.

 Une petite partie de la poussière de mon corps est tombée dans ce jardin-là, où on y faisait de la musique tous les après midi et les chaussures des musiciens me passaient au dessus de la tête et une autre partie de la terre de mon corps, le potier en avait fait une cruche. C’est alors que je me suis souvenu de ce poème de Omar Khayam qui disait ainsi :

 Cette cruche, comme moi, avait, un jour, un amoureux
 Accroché aux chevaliers, visage passionné et épanoui d’amour
 Cette poignée qui est accrochée au contenant 
Fût un temps où elle était au bras d’un amoureux 

Il restait un peu de terre de mon corps qui s’était mêlée au corps d’un autre et qui se transforma en poussière, emportée par le vent de chaque côté. Je me suis alors rendu compte que la terre du corps mêlé au mien appartenait à l’égoïste qui se croyait sûr de lui et très malin et trouvait des gens comme moi impuissant, c’est pour cette raison qu'il m’a paru que dans le cimetière, il y a plein de gens qui se croyaient fort. Ne soit pas étonné par ces paroles qui sont sans signification pour toi, mais regarde un peu cette terre sous tes pieds.

Dashty.

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